Lire et raconter comme remède en des temps difficiles - appel à contribution (Sonstiges Projekt)

(Œuvres et critiques XLVI)


Allgemeine Angaben

Projektbeginn
Samstag, 17. Juli 2021
Projektende
Donnerstag, 30. September 2021
Status
abgeschlossen
Thematik nach Sprachen
Französisch
Disziplin(en)
Literaturwissenschaft, Medien-/Kulturwissenschaft

Aktiv beteiligte Person(en)

(z.B. Kooperation, Mitarbeiter, Fellows)

Béatrice JakobsRainer Zaiser


Exposé

Les livres sont-ils « des objets de première nécessité » ? Pour nous autres professionnels de la littérature, la réponse à cette question est certainement « oui », sans même réfléchir, non seulement parce que nous gagnons notre vie avec ou par la lecture et la littérature, mais surtout parce que souvent c’est justement notre amour pour les livres et l’univers de l’imagination qu’ils nous offrent depuis toujours qui nous a incités à devenir professeurs, auteurs, journalistes du secteur culturel, éditeurs, bibliothécaires, bibliothérapeutes…
Pourtant, lorsqu’en automne 2020 un deuxième confinement a été décrété dans plusieurs pays européens entraînant la fermeture des commerces qui ne vendaient pas de produits de première nécessité, les librairies, elles, sont restées ouvertes ! Mais pas partout !
Jugées nécessaires en tant que « bricos de la culture et du cerveau » (Le Soir belge ; 31/10/20), les librairies avaient dans certains pays toujours le droit d’accueillir les clients, dans d’autres régions, par contre, elles devaient baisser le rideau. En France, la fermeture des librairies a causé une vague de protestation et la lancée d’une pétition en ligne soutenue par maintes personnalités du secteur culturel. En y souscrivant, les signataires tentaient de sauver les librairies parce qu’elles « jouent un rôle […] pour la transmission de la culture et du savoir et le soutien à la création littéraire » (https://www.change.org/p; 30/10/20). Bien que cette discussion ait concerné en premier lieu les librairies et non pas les livres en soi, impliquant donc également les questions d’ambiance dans de tels magasins (pensons au bonheur de feuilleter des livres parmi d’autres lecteurs partageant les mêmes goûts !), l’attitude exprimée laisse deviner l’estime que l’on a pour les livres et le pouvoir que l’on attribue à la littérature. Premièrement, les livres distraient, lire une histoire nous fait plonger dans un autre temps, un autre monde et ainsi oublier la réalité. Et comme tout cela peut se faire en solitaire, n’importe où et plusieurs heures par jour, il n’est pas étonnant que les chiffres de vente aux rayons livres et les emprunts dans les bibliothèques tout public aient largement augmenté depuis le début de la crise sanitaire. De ce point de vue, lire est une activité parfaite pour meubler le temps en période de confinement. Deuxièmement, les livres nous font réfléchir, comparer nos propres positions aux opinions des personnages fictifs et en déduire de nouvelles idées, (mieux) comprendre le monde qui nous entoure : l’intérêt accru depuis mars 2020 pour les œuvres traitant de la peste et autres maladies contagieuses en dit long. Ainsi non seulement_ La Peste_ (Camus, 1947), Cécité (Saramago, 1995) et Contagion, thriller assez récent, mis en scène par Sonderbergh (2011), mais aussi et surtout le Décaméron (Boccace, 1350) comptent parmi les ouvrages gagnants de la situation pandémique. Contrairement à ses confrères, l’auteur du recueil de nouvelles italien ne décrit tout au long de son texte ni comment la peste a ravagé la ville de Florence, ni comment ses habitants ont essayé en vain de combattre la maladie. De fait, la description de la situation difficile dans la ville ne prend qu’une quinzaine de pages du texte décaméronien, sur les autres, plus de 300, Boccace montre comment sa joyeuse brigade vit en dépit de la maladie, comment les dames et les messieurs profitent des histoires et de leur valeur récréative et arrivent ainsi à affronter le danger de la peste de façon plus sereine. Comme chacun sait, le Décaméron a lancé toute une tradition dont les adeptes imitent ‒ cependant de façon de moins en moins stricte ‒ l’idée de raconter des histoires à tour de rôle à des fins curatives ‒ à savoir contre la mélancolie et/ou pour le bien-être (pensons par exemple à l’_Heptaméron_ (Marguerite de Navarre, 1559) ou aux Contes des Contes (Basile, 1630, mis à l’écran en 2015 par Matteo Garrone). Ce n’est donc pas par hasard qu’une nouvelle version du recueil, le Décaméron 2020, est née en ces temps de confinement. Organisé comme projet collaboratif, le volume est sorti en décembre 2020 aux Éditions Albiana ; l’œuvre réunit 140 textes courts, écrits au printemps de l’année dernière par des écrivains expérimentés ainsi que par des novices en écriture destinés à être lus en des temps difficiles…
Le succès de ce projet auprès du public et de la critique littéraire ne prouve pas seulement que l’idée de raconter et de lire des histoires comme remède en des temps difficiles est toujours actuelle, il met aussi en évidence l’esprit de la communauté qui lui est inhérent. En feuilletant les œuvres issues de la tradition mentionnée ainsi que d’autres textes traitant des livres et de la lecture ‒ Le liseur (Schlink, 1995 ; version cinématographique 2009), La tête en friche (Roger, 2008 ; vc 2010), La voleuse de livres (Zusak 2005 ; vc 2013) et bien d’autres ‒ on se rend compte que les personnages qui lisent ou racontent sont rarement seuls, mais relatent leurs histoires pour quelqu’un, sont écoutés par un ou des compagnons qui part/ent ainsi avec le liseur dans un monde imaginé, modulé par la voix de celui-ci. Ajoutons donc un troisième aspect à notre liste des atouts des livres : leur lecture en communauté crée un moment de partage et si nous ne considérons que les associations ayant organisé, malgré tous les obstacles rencontrés ces derniers mois, des lectures dans les écoles et structures sociales et culturelles diverses (effectuées par visioconférence !) sans oublier toutes les histoires lues en famille, nous pouvons affirmer qu’il s’agit là d’un usage de la littérature scellé par la tradition littéraire mais aussi fortement ancré dans la vie actuelle.
Tout compte fait, la discussion autour de la fermeture des librairies dans plusieurs pays et la vente en ligne ainsi que les bons et longs moments passés grâce à la lecture seul ou en groupe semble avoir ravivé de connaissances anciennes par rapport aux effets positifs de la littérature et avoir attiré l’attention non seulement de quelques bibliophiles et scientifiques de disciplines diverses mais aussi de tous ceux qui en ont profité plus ou moins consciemment ces derniers mois. Reste à voir si ces expériences positives aideront les livres et la lecture à s’imposer contre d’autres passe-temps considérés comme plus modernes, un changement qui pourrait s’opérer aussi grâce au fait qu’en France la lecture a été érigée au rang de grande cause nationale 2021/2022. Mais il est certain que d’autres projets consacrés au pouvoir de la littérature seront nécessaires pour remettre en évidence la valeur positive de la littérature dont nous pourrons tous tirer profit à l’avenir.
Le présent appel à contribution est un pas dans cette direction. Nous envisageons de consacrer un volume de la revue Œuvres et critiques au rôle de la littérature comme remède en des temps difficiles, plus précisément pendant la crise sanitaire 2020/2021. Le fascicule rassemblera des voix scientifiques, journalistiques, médicales et bien d’autres…
‑ … qui relient la tradition littéraire avec les us de lecture actuels par le biais des « vieilles » règles diététiques,
‑ … qui analysent les ouvrages consacrés à la lecture ou aux maladies contagieuses en les mettant en parallèle avec la situation de crise actuelle,
‑ … qui reflètent l’importance nouvelle des valeurs récréatives de la littérature pour leur propre vie et/ou activités littéraires ou pour celle/s des auteurs, chercheurs, libraires, liseurs contemporains sous l’influence de la pandémie,
‑ … qui ont d’autres idées ou expériences liées à l’univers littéraire et la crise sanitaire, intéressantes à partager.
Espérant que ces quelques observations ont éveillé votre intérêt pour ce projet, je vous saurais gré d’envoyer jusqu’à la fin du mois du juillet vos propositions thématiques (08-15 lignes) à bjakobs@romanistik.uni-kiel.de pour les articles scientifiques, essais ou interviews avec lesquels vous envisagez de contribuer au volume.

Les contributions définitives (08-15 pages) devront être prêtes à la mi-septembre. N’hésitez pas à me contacter si ces délais vous posent problème, nous pourrons certainement trouver une solution.


Anmerkungen

keine

Ersteller des Eintrags
Béatrice Jakobs
Erstellungsdatum
Samstag, 09. März 2024, 23:35 Uhr
Letzte Änderung
Samstag, 09. März 2024, 23:35 Uhr