Le remaniement épistémologique suscité par le “tournant spatial” n’a pas seulement changé la manière dont les géographes, les sociologues, les anthropologues et les historiens perçoivent leur discipline. En littérature, se sont également formalisées de nouvelles approches, résolument interdisciplinaires, qui accordent un rôle décisif à l’espace fictionnel dans l’interprétation de textes littéraires.

Prenant acte de ces nouveaux modèles d’analyse, Antje Ziethen propose de féconder les recherches actuelles en littérature francophone et postcoloniale par une étude géocentrée de quatre romans : Soupir d’Ananda Devi, _Le Silence des Chagos _de Shenaz Patel, _Douceurs du bercail _d’Aminata Sow Fall et _Riwan ou le chemin de sable _de Ken Bugul. Mobilisant des outils théoriques provenant de la littérature, de la géographie, des études postcoloniales, des gender studies, de la sociologie et de la philosophie, l’auteure scrute les processus spatiaux, sociaux et psychiques ayant lieu dans plusieurs “espèces d’espace” telles que la diaspora, la nation, l’île, la ville, la prison, le chemin, le bateau et l’aéroport.

Exposant les fonctions structurante, narrative et signifiante de l’espace fictionnel au sein du corpus, Géo/Graphies postcoloniales. La poétique de l’espace dans le roman mauricien et sénégalais réfute l’idée que l’espace est simple décor, arrière-plan, contenant de l’intrigue ou encore mode de description. Il se fait plutôt moteur de l’intrigue et médium qui permet aux auteurs de déployer leur verbe poétique, de créer des mondes possibles, d’articuler une critique sociale et de proposer des géographies alternatives aux modèles référentiels.