Stadt: Montpellier

Frist: 2020-10-05

Beginn: 2021-04-01

Ende: 2021-04-02

Les légendes dans la littérature au XIXe siècle : inscriptions, transformations, réinventions (1er-2 avril 2021 à Montpellier)

Entre littérature et tradition orale, la légende est un objet hybride, aux caractéristiques oscillantes, propice à différentes lectures. Avec le mythe, le récit légendaire partage une dimension édifiante et culturellement fédératrice, orientée vers une communauté ; il s’en distingue par des traits populaires et un caractère historiquement situé. Par ailleurs, une légende est souvent une fiction merveilleuse qui, à la différence du conte, est investie d’une forme de croyance.

Dans la majorité des cas, la légende apparaît comme un récit à teneur historique qui occupe une fonction sociale, à l’échelle d’une communauté. Elle est un conservatoire narratif et un support imaginaire de l’identité.

Étymologiquement, une légende – ce qu’il faut lire – est d’abord une vie de saint, donc une fiction exemplaire, et le légendaire, un recueil hagiographique. Une coloration chrétienne imprègne la majorité du matériau légendaire occidental, sans empêcher l’existence de légendes païennes plus tardives (la légende du Masque de fer, la légende napoléonienne…). À partir du XVIe siècle, le terme désigne un récit merveilleux et populaire, voire une représentation altérée de faits ou de personnages réels. Mais l’authenticité historique et le degré de transformation narrative sont variables, selon que l’on considère la matière légendaire de la Table Ronde, la légende de Jeanne d’Arc, ou encore les récits sur la chute de Troie. Et encore s’agit-il de légendes en partie fixées par la tradition savante. Enfin, la notion de légende intègre une acception médiatique. Est légendaire l’artiste qui maîtrise la mise en scène de soi, et qui parvient à imposer un scénario merveilleux à ses contemporains… La légende entremêle ainsi les aspects populaires de l’objet légendaire, le rapport à la croyance et la singularité historique. Victor Hugo, homme-légende du XIXe siècle par excellence, est peut-être l’initiateur de cette formule1.

Dans la lignée des récents travaux dirigés par Nathalie Grande et Chantal Pierre2, nous souhaiterions prolonger la réflexion sur le « discours social des légendes3 », en insistant sur les procédures d’inscription légendaire dans les pratiques littéraires et artistiques, ainsi que les transformations du légendaire traditionnel par ses réappropriations propres à la modernité du long XIXe siècle.

Le « siècle de l’histoire » et de la sécularisation des consciences, de l’extension de la science et de la démocratie, mais aussi le siècle de l’émergence du peuple comme objet et sujet politique, se montre particulièrement réceptif aux récits légendaires de toute nature. Les légendes permettent d’interroger l’identité collective à travers le temps, de modéliser et penser un présent qui se dérobe, en ouvrant de nouveaux espaces herméneutiques. Chez les mémorialistes, comme Chateaubriand, les motifs légendaires peuvent suggérer le refoulé de l’histoire et de la conscience, tout en nourrissant une poétique du dépaysement. Dans Les Déracinés de Barrès, la convocation d’un Napoléon légendaire, « professeur d’énergie », fait entrer l’histoire dans le propos idéologique du roman.

Faut-il en conclure que les résurgences de la légende au XIXe siècle, qu’elles soient « noires » ou « dorées », constituent toujours un envers de l’historiographie officielle ? Si l’hypothèse convient à Bloy ou Huysmans, qui puisent dans les légendes médiévales des contrepoints au modernisme ambiant, la légende peut aussi être émancipatrice, forte de son indéniable « réversibilité axiologique4 ». Quand Michelet propose en 1851 une dizaine de légendes sur les héros de l’histoire de France à L’Événement, son projet est profondément démocratique. Inversement, en 1890, un journaliste5 se réjouit que Guillaume Tell disparaisse des manuels scolaires suisses, car « la légende est l’ornement de l’histoire comme des diamants faux peuvent être l’ornement d’une femme », et l’on ne saurait cautionner que « la légende dépossède un peuple de sa gloire collective » pour en décorer un seul homme.

Moyen de l’observation ou de la réflexion ethnographique, le matériau légendaire permet de penser la distance culturelle. Certaines légendes alimentent des visées conservatrices ou interrogent des inquiétudes : songeons aux récits colportés sur les peuples anthropophages ou les appétits des femmes orientales, en plein siècle colonial, ou aux légendaires régionaux, tel le recueil des Légendes rustiques de George Sand, qui promeuvent des identités particulières à l’heure de la centralisation jacobine. Parallèlement, les légendes semblent participer d’une découverte de l’altérité, comme la légende d’Hiram chez Nerval, ou le poème d’Antar chez Lamartine, entre effort de compréhension et fascination pour l’ailleurs.

Au moment de l’émergence des médias de masse et de la multiplication des supports, la légende n’a plus uniquement une portée esthétique, spirituelle ou communautaire. Les structures légendaires dont s’emparent les écrivains et les artistes peuvent servir une intention spectaculaire voire publicitaire, à la croisée d’un imaginaire archaïque merveilleux et de pratiques résolument modernes. Entrer dans la légende, c’est se faire hagiographe de soi-même, s’inscrire dans l’histoire devant la reconnaissance collective, et s’offrir au siècle comme objet de récit.

*

Ces pistes ne sont pas limitatives : les suggestions d’élargissement seront bienvenues, de même que les ouvertures pluridisciplinaires.

Outre les études de réception d’une légende contextualisée sur tout ou partie de la période 1789-1914, on pourra analyser le matériau légendaire à l’échelle d’une œuvre ou d’un corpus plus étendu6, en insistant sur les usages stratégiques (titrologie, pratiques génériques et narratologiques, intertextualité, transferts médiatiques…). Le questionnement pourra s’étendre à des pratiques culturelles connexes, comme la collecte documentaire de légendes, les interférences entre cultures orales ou folkloriques et canon, ou les réinterprétations artistiques (picturales, musicales…) de légendes au XIXe siècle.

On pourra aussi proposer une approche transversale, pour compléter les analyses fondamentales de Claude Millet qui proposait de définir le légendaire comme « un dispositif poétique de mise en relation, ou plutôt de soudure, du mythe et de l’Histoire, de la religion et de la politique7 » : le légendaire au cours du XIXe siècle se caractériserait par une démythification et des appropriations de plus en plus personnelles et intimes, ce qui paraît conforme aux postulats de l’histoire culturelle.

Les propositions de contribution, d’environ 500 mots, munies d’un titre et d’une courte présentation bio-bibliographique, seront envoyées à l’adresse colloque.legende.xixe@gmail.com avant le 5 octobre 2020.

Une réponse sera communiquée sous quelques semaines.

La manifestation est prévue pour les 1er-2 avril 2021 à l’université Paul-Valéry de Montpellier.

Une publication aura lieu à l’issue du colloque.

*

Comité scientifique :
Fabienne Bercegol (université de Toulouse)
Caroline Julliot (Le Mans Université)
Claude Millet (université de Paris)
Sylvain Venayre (université Grenoble-Alpes)

Comité d’organisation :
Manuela Mohr, Julie Moucheron, Corinne Saminadayar-Perrin, Betty Zeghdani (université Paul-Valéry / Rirra 21)

*

1 Voir l’ouvrage pionnier de Claude Millet, Le Légendaire au XIXe siècle : poésie, mythe et vérité, Paris, PUF, « Perspectives littéraires », 1997.

2 Nathalie Grande, Chantal Pierre (dir.), Légendes noires, légendes dorées ou comment la littérature fabrique l’histoire, XVIIe-XIXe siècle, Rennes, PUR, « Interférences », 2018.

3 Magalie Myoupo « Les mille et une couleurs de la légende. Pour une exemplarité vacillante », Acta fabula, vol. 20, n° 8, Essais critiques, octobre 2019, URL : http://www.fabula.org/revue/document12394.php

4 Ibid.

5 Paul Morlay, « À travers la vie », Le Parti ouvrier, 21 août 1890.

6 Comme le fait Sabine Narr dans Die Legende als Kunstform: Victor Hugo, Gustave Flaubert, Emile Zola, Munich, Fink, 2010.

Beitrag von: Manuela Mohr

Redaktion: Ursula Winter