Résumé du projet
Par une étude observationnelle en vie réelle, le projet vise à expliciter les conditions de prise en charge des troubles pragmatiques en contexte de réanimation. Dans la perspective d’améliorer, à terme, les conditions de communication dans cette situation d’urgence (i.e. où le pronostic vital est engagé), il s’agira de projeter les exigences relatives à une communication efficiente et d’expliciter les conditions opérationnelles permettant l’implémentation d’outils destinés à compenser les entraves communicationnelles (intubation, tétraparésie). La recherche sera menée dans la perspective ethnométhodologique. Sur la base d’un corpus interactionnel écologique constitué pour l’étude, on étudiera les modalités de coordination et de synchronisation des actes verbaux avec le contexte plurisémiotique.

Contexte scientifique
Fonction humaine essentielle, la communication est une dimension aussi complexe que fragile dans la prise en soin. La privation des ressources langagières ordinaires pour communiquer est source de frustration, de déshumanisation, de dépersonnalisation, de perte d’estime de soi et de stress pour le patient, et accentue la difficulté du séjour, décrit par beaucoup de patients comme un souvenir traumatique. Dans le contexte de la réanimation, la communication est mise en place dans une situation complexe où le pronostic vital du patient est engagé : le patient intubé voit son expression impactée par la sonde d’intubation endotrachéale ; certains patients sont également privés de la gestuelle (tétraparésie de réanimation, fonte musculaire, œdèmes…). Enfin, les patients peuvent du fait de leur pathologie ou des traitements mis en œuvre, présenter des troubles de la compréhension pouvant altérer la compréhension.
Les outils de compensation relevant de la communication alternative et augmentée (CAA) sont réputés améliorer la communication. Or, l’efficience en repose sur une évaluation fine des besoins individuels et la prise en compte des limites à l’individualisation dues au contexte. Lors d’une étude pilote, le service de Médecine Intensive Réanimation du CHU de Tours a expérimenté le recours à des ordinateurs équipés de commande oculaire dédiés pour en évaluer le bénéfice potentiel pour améliorer la communication. Au-delà de leur mobilisation opportuniste et minimale dans beaucoup de cas, l’implémentation s’est heurtée à la réticence du personnel soignant, qui a pu juger inutile le recours à de tels outils ou qui était rebuté par le temps nécessaire à son appropriation.

Objectifs et méthodologie
Le contrat a pour objectif d’expliciter les conditions de prise en charge des troubles pragmatiques en contexte de réanimation. La recherche devra établir les besoins communicatifs des soignant.es, des soigné.es et des proches caractéristiques d’une situation complexe en observant et en analysant les modalités de coordination et la synchronisation des actes verbaux avec le contexte plurisémiotique : quelles sont les fonctions communicatives observées ? comment les participants manifestent-ils leur empêchement ou un besoin spécifique ?
Dans la perspective d’améliorer, à terme, les conditions interactionnelles en contexte de réanimation, Il s’agira de projeter les exigences relatives à une communication efficiente (Freeman-Sanderson et al. 2024 ; Bohart et al. 2024 ) et d’expliciter les conditions opérationnelles permettant l’implémentation des outils d’aide à la communication : quelles sont les fonctions communicatives les plus entravées par l’appareillage spécifique au contexte ? Quelles sont les stratégies compensatoires observées dans les interactions ? Quelles fonctions pragmatiques peuvent être prises en charge par le recours à un outil technologique de type CAA ? Comment les utilisateurs s’approprient-ils les outils compensatoires ?
L’étude sera fondée sur l’approche ethnométhodologique et, en particulier, la linguistique interactionnelle, qui a pour objet d’expliciter le fonctionnement de l’événement communicationnel en interrogeant la relation entre les ressources langagières, leurs environnements séquentiels et les actions accomplies par les participants. L’analyse intègre une démarche heuristique dont l’orientation est exclusivement qualitative et suit les principes de l’empirisme descriptif. Les données empiriques sont constituées de captations intégrales d’interactions à réaliser en service de Médecine Intensive Réanimation (CHU Tours), qui seront transcrites et analysées. Les données seront écologiques, au sens qu’elles « auraient eu lieu même en l’absence du chercheur et qui n’ont pas été élicitées ou orchestrées par lui en vue de leur enregistrement » (Mondada 2008:884). Le projet conduit à la constitution d’un corpus vidéo de référence pour les recherches futures visant à développer des outils d’aide à la communication innovants.
Le projet est lauréat de l’appel à projet Loire-Valley-Health 2025, avec un financement pour 3 ans, comprenant l’allocation doctorale et une dotation matérielle. La thèse sera dirigée par Katja Ploog (LLL CNRS UMR 7270, Université d’Orléans) et co-encadrée par Laetitia Bodet-Contentin (CHU de Tours ; INSERM U1246 SPHERE).

Exigences du profil

• Formation initiale en Sciences du langage
• Compétences en linguistique outillée et/ou en analyse multimodale
• Expérience en recherche de terrain
• Excellentes compétences rédactionnelles en français
• Très bonnes compétences en anglais
• Autonomie dans l’organisation du travail
• Qualités relationnelles
• Mobilité (Tours/Orléans et à l’international)

Processus de sélection
Les candidat.es seront évaluées par l’Ecole Doctorale Humanité & Langues des Universités Orléans et Tours, en conformité avec les exigences de l’AAP Loire-Valley-Health et les recommandations de l’UE.
Les candidatures sont à envoyer par mail à katja.ploog@univ-orleans.fr et comprendront :

• un CV universitaire détaillé avec copies des diplômes et relevés de notes
• une lettre de motivation
• des justificatifs relatifs aux expériences pertinentes
• les coordonnées d’éventuelles personnes de référence à contacter par le jury

La date limite de candidature est le 14 mars 2025.
Les candidatures seront évaluées par la direction de thèse et l’école doctorale. Les candidatures présélectionnées seront auditionné.es entre le 24 mars et le 4 avril. Le classement est établi à l’issue du processus d’audition.